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Marc Dutroux nous étonne encore !

“Il est libre, Marc” aurait pu chanter le poète. En effet, le fameux bandit flamand a de nouveau pris la fuite jeudi après-midi au nez et a la barbe de la maréchaussée bruxelloise.

L'évasion spectaculaire de Marc a plongé le gouvernement belge dans l'affliction et la perplexité la plus totale, mais a aussi eu pour conséquence de renouveler l'intérêt général au sujet de cet étonnant bonhomme. On s'en souvient, ses frasques et ses mœurs ouvertement provocantes avaient fait, il y a 2 ans, la une des gazettes populaires et l'avaient même mené jusqu'au tribunal. “Mes extravagances ne sont pas au goût du pouvoir en place, monsieur le Président, voilà tout” s'était-il défendu, avant d'ajouter avec un air entendu “Enfin je veux dire, de tout le pouvoir en place, parce qu'il y en a quelques uns...”

Un phénomène qui bouscule nos convictions

Mais on sait combien la justice belge peut être pointilleuse et procédurière en certaines occasions. La détention provisoire, en attendant un vrai jugement, “qui ne devrait pas faire rire” selon le procureur, voilà ce qui fut sur l'instant décidé du sort de Marc. L'opinion publique, dans sa majorité, lui est cependant restée acquise, et s'est montrée, sinon révoltée, du moins choquée par une mise aux arrêts aussi brutal, prononcée a l'encontre, finalement, d'un compatriote flamand libre quelques heures plus tôt. Au Bar des Jardiniers de Bouzignac en Chaillotte, les plus proches amis de “MD” évoquent son souvenir avec une émotion brouillonne, mais sincère. “Marc était un super pote. Y'en avait pas deux comme lui pour repiquer les bégonias. Ca nous fait bien d'la misère, tout ce qui lui arrive en ce moment”, nous auraient-ils déclaré autour d'une vieille genièvre a la poire. Cependant, lorsque l'on s'intéresse plus précisément aux raisons présumées de son incarcération, les réponses se font tout a coup plus évasives : “C'est vrai, il a un peu déconné, mais quoi, bon, personne n'est des saints; on a tous croqué dans la pomme du jardin d'Hélène, alors...”. “Tiens moi, par exemple, surenchérit Renaud, le fleuriste borgne, moi je connais même des mécanos qui inversent les segments sur les mobilettes des gosses pour qu'elles tombent en panne plus vite. C'est dire”. Et Ricky, le garagiste visé, de répliquer derechef en relatant à toute la compagnie comment Renaud a bêtement perdu son œil il y a 3 ans, après un pari perdu contre Marc, justement. Puis la discussion finit par sombrer, au rythme des verres de Gueuze Lindenmans, dans un grotesque typiquement flamand. Ce n'est pas ce soir que nous pénétrerons le fameux “système Dutroux”. Un mécano au-delàs de tout soupçon ? Quoi qu'il en soit, victime de la société ou coupable d'avoir “trop dépassé les bornes” (termes employés par le procureur a court d'arguments), Marc n'a jamais cessé de clamer son innocence. Quelques semaines après son arrestation, il avait même déclaré qu'il s'évaderait dès que possible pour défendre son honneur, au besoin en tuant “encore plus de gens”. Chose promise, chose faite ? Toujours est il que le dynamique MD s'est échappé avant hier de son lieu de détention, “une nouvelle fois”, soulignent les mauvaises langues. En effet, il avait déjà tenté une telle opération en juin dernier, mais celle-ci s'était soldée par un fiasco déplorable en raison de sa négligence - “son grand défaut”, ajoutent ses camarades. L'affaire semble cette fois mieux ficelée. Au centre de la manœuvre, un stratagème que n'aurait pas renié Machiavel, d'autant plus efficace qu'il est simple. Jeudi après midi, à 15h37, Marc dit souffrir de diarrhées violentes. Deux hommes l'escortent donc aux toilettes de la police, en grande pompe comme il est de coutume pour les prisonniers de marque. Marc s'enferme et, 10 minutes plus tard, se plaint de manquer de papier, et précise qu'il a besoin de “deux rouleaux”.

Les rouleaux de la honte

Deux rouleaux, deux agents. La machinerie implacable vient de se mettre en place et rien ne l'arrêtera. Après une discussion animée entre les deux hommes pour savoir qui doit rester devant la porte, et qui doit aller chercher les rouleaux, ils s' accordent, dans un esprit d'égalité, pour effectuer chacun le même travail, a savoir, aller chercher chacun un rouleau, et puis rester ensemble devant la porte. Les agents s'absentent quelques minutes pour se rendre à la réserve. Il est 15h53 quand ils reviennent. Ils envoient les rouleaux de papier toilette par dessus de la porte et s'étonnent à peine de ne pas entendre de remerciement. Il est vrai que leur détenu est plutôt taciturne. Il est 16h23 quand ils demandent si ça va. A 16h34, ils décident de reposer la question, en précisant “Si tu veux d autres rouleaux, tu le dis, hein”. A 18h03, ils sont virés. Motif : vous l'aurez deviné, Marc s'est “fait la malle” pendant un moment d'inattention de leur part. A l'heure ou nous écrivons, il est encore en cavale, quelque part en Belgique ou en France - ce diable d'homme ne connaît pas de frontières ! Les autorités déclarent que, “bien qu'il soit dangereux, il est somme toute assez débonnaire. Si vous le croisez, ne lui tournez pas le dos, c'est tout. Surtout si vous avez entre 2 et 12 ans.” Il reste cependant que cette histoire risque bien d'avoir des suites plutôt désagréables pour le pouvoir belge, qui après le scandale des moules avariées cet été, n'a pas fini de traverser une bien sordide tourmente...

Nico


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